Cette
petite fille peut-être, qui aimait tant se promener dans les forêts
de son village natal ...
... et qui, devenue adulte, n’habitant plus ce village, se souvenait assez
de ce bonheur ancien pour organiser un pique-nique dans ce qui fut le théâtre
de verdure de son si cher parc Parissot...
... lisant aux invités de son 57° anniversaire le texte de ce premier
site internet...
... créé en 2004, grâce à l'assistance technique
de Daniel Hervé, habitant de Beaumontel, animé
comme elle du désir de secouer les édiles locaux négligeant
ce parc et la mémoire de son généreux donateur Albert
Parissot :
Ne serait-il plus qu’un nom sur quelques plaques de rues, un buste devant
la gare de Beaumont-le-Roger…
… un monument funéraire au cimetière du Père Lachaise
NON
!
Il méritait mieux. Car si son corps fut porté en cette terre parisienne,
où il naquit et mourut, son cœur resta dans l’Eure, où
il passa une grande partie de sa vie. Et je n’use pas, disant cela, d’un
cliché, car ce muscle vital, censé être le siège
de nos plus vives émotions, fut, selon son souhait, mis dans un petit
coffre, pour être enfoui dans le sol de son parc, sous un obélisque
:
Enfant, je savais cela, et faisais toujours silence en passant auprès
de cet obélisque, qui demeure encore un but de promenade…
… où je me rends seule, ou entraîne des amis, persévérant
dans les pique-nique à l’ancien théâtre de verdure,
qui a bien vieilli depuis mon enfance, car ses colonnes se sont effondrées,
qui soutenaient les croisillons surmontant la scène bucolique…
… disparues également les barrières blanches ouvrant sur
son cercle parfait :
Dix années se sont écoulées depuis la création de
ce site – qui a certes rempli sa mission car il a essaimé, n’étant
plus le seul à évoquer Albert Parissot – et il me paraît
judicieux d’en présenter une version rénovée, Daniel
Hervé ayant bien voulu passer sa main de web-master initial à
Michel Hubin (qui gère déjà mes trois
autres sites).
L’histoire d’Albert Parissot commence comme dans le jeu des sept
familles : dans la lignée des ascendants, je tire la carte de l’aïeul,
Pierre Parissot (1790-1860) qui fonda, en 1824, le premier
de ces grands magasins parisiens, dont Emile Zola s’inspirerait
pour écrire Au bonheur des dames, et dont Honoré
de Balzac assura, avant l’heure, la publicité dans son
Petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris par un
batteur de pavé, paru en 1826 :
A
la Belle Jardinière
Parissot, marchand de nouveautés, rue de la
lanterne, actuellement partie nord de la rue de la cité. Au milieu d’un
jardin bien lisse, une jardinière, dont le teint est aussi blanc que
celui d’une petite maîtresse de la chaussée d’Antin,
tient à la main un arrosoir, des fleurs, des arbres couverts de fruits
formant un tableau qui ne fait pas moins d’honneur à l’artiste
qui l’a peint, qu’à Pierre Parissot qui en a conçu
l’ingénieuse idée. C’est vraiment un homme d’esprit
que Pierre Parissot ; placé naguère à l’entrée
du faubourg Saint Antoine, il avait pris La Belle Fermière pour enseigne
; aussi avait-il peine à fournir toutes les demandes ; les fermières
de Saint Maur et des environs assiégeaient les comptoirs.
Je n’ai pas trouvé trace de cette première enseigne. Mais
voici quelques affiches ultérieures, de différentes époques,
dont l’une me semble être d’Alfons Mucha
(1860-1939)
.....
.....
.....
Cette Belle Jardinière avait non seulement changé de nom (la Belle
fermière ayant été mise en faillite en 1821) mais aussi,
plusieurs fois, d’adresse. Vint l’ère des cartes postales…
.....
… puis de la fermeture définitive, en … 1972 (l’immeuble
devenant l’enseigne Conforama). Mais un tel établissement pionnier
(car il fut le premier à proposer de la « confection », sur
le modèle anglais) valait bien un livre. Il fut de François
Faraut, publié en 1987. J’écrivis à l’auteur
en 1990, dans un moment où j’avais le projet d’un film à
tourner au parc Parissot, car j’imaginais qu’il en savait plus que
moi sur le personnage qui m’intéressait. J’ai évidemment
gardé sa réponse :
Madame,
C’est avec un grand retard que je réponds à votre lettre
du 1er juin me demandant si je disposais de quelques informations sur Albert
Parissot, seulement c’est vous qui m’apprenez tout.
En effet j’ai travaillé quasi exclusivement sur les archives de
l’entreprise, sans chercher ailleurs les renseignements qui ne s’y
trouvent pas dès lors que l’entreprise n’était plus
directement concernée. Pourtant ce que vous indiquez sur Albert Parissot
en dit sans doute long sur l’importance des revenus qu’ont touchés
les héritiers Parissot…
Acceptez donc mes excuses de vous répondre si tard, et mes regrets de
ne pouvoir vous être de quelque utilité dans votre projet.
En vous souhaitant néanmoins le succès.
Avec mes salutations les meilleures
Pierre Parissot,
fils de fripier, avait assurément le sens des affaires, car, ayant connu
3 faillites entre 1821 et 1833 (dont il remboursa ultérieurement le passif
!), il mourut fort riche. Ses frère (Denis Parissot)
et neveux (Adophe Parissot,
Léon Parissot,
Guillaume Parissot,
Charles Bessand (dont je n’ai pas de portrait à fournir,
les cinq précédents m’ayant été aimablement
fournis par m. Christian Juin, que je remercie) lui succédèrent,
avec divers associés. Albert Parissot – enfin lui - fils de Guillaume,
naquit à Paris en 1845, fut élève au collège Sainte
Barbe, s’inscrivit à la faculté de droit et aux Beaux-arts
- où il fut l’élève d’Henri Bouchet
(1834-1908) et Denis-Pierre Bergeret (1844-1910) - pour n’être
finalement ni commerçant ni juriste ! C’est, en quelque sorte,
l’histoire et la géographie qui décideront pour lui : en
1874 il s’installa au château de Fumechon, acquis peu après
la guerre par son père (office de Maître Piel,
notaire à Bernay), désireux de placer des capitaux en province
(mais sans intention de s’y fixer, ayant déjà une villa
à Saint-Germain-en Laye). Ce château de Fumechon fit aussi l’objet
de cartes postales, avant et après transformations :
.....
J’eus quelques renseignements inédits sur la ferme de ce château,
d’un autre de mes correspondants de l’année 1990 : Michel
Juniau , qui m’écrivit :
Mes grands-parents étaient les fermiers de
M. Parissot, à la ferme de Fumechon, qui fut construite pour eux en 1882
(…) La maison actuelle du jardinier était, avant la construction
de la ferme (en partie détruite à présent) la maison des
fermiers, où mes grands-parents et moi-même sommes nés car
ma famille exploita le domaine de Fumechon environ 100 ans. C’est dans
cette maison que l’impératrice Eugénie,
sur la route de l’exil, avait trouvé refuge auprès de ma
grand-mère, le temps d’effectuer des réparations à
sa voiture pour gagner La Rivière Thibouville où elle passa la
nuit, avant de prendre le train et le bateau pour l’Angleterre. La grande
grille de la cour d’honneur du château de Fumechon provient du château
des Tuileries, rachetée par M. Parissot après les incendies des
Communards à Paris en 1871. Il y eut également dans le parc du
château de Fumechon, jusqu’à une date récente, et
toujours en provenance des Tuileries, une statue en marbre blanc, grandeur nature,
représentant l’impératrice Eugénie (…)
Cette ferme a hélas disparu, y compris son pigeonnier, déjà
bien en péril dans les années 60 :
J’ignore si le Parissot ayant racheté les grilles des Tuileries
et la statue d’Eugénie était Guillaume ou Albert. Je pencherais
plutôt pour Guillaume, car Albert, lorsqu’il commença une
carrière politique, ne songeait à aucune restauration royale ou
impériale puisqu’il écrivait, dès 1879 :
Toutes les lois de succession au trône, inventées
par toutes ces monarchies successives, n’ont jamais rien produit de bon
pour la France ; loin de nous éviter les révolutions, elles nous
en préparent en créant des prétendants.
Il se déclare en effet républicain. Voici une lettre, datée
de 15 août 1881, qu’il adressa aux électeurs de Beaumont-le-Roger
:
Mes chers concitoyens,
L’an dernier, quand je me suis présenté à vos suffrages
pour le Conseil Général, j’ai essayé de vous faire
voir le côté politique de cette élection. Malheureusement
le pli était pris et la grande majorité d’entre vous n’a
vu là qu’une manifestation d’intérêt purement
local, devant faire tout sacrifier à la personnalité du candidat.
Dans ces conditions je n’ai pas été étonné
de ne passer que le second.
Aujourd’hui, vous comprenez que l’élection de dimanche prochain
a bien un caractère politique et que ce n’est pas seulement l’homme
qu’il faut considérer mais le principe qu’il représente.
Si vous sentez qu’il est utile de conserver un gouvernement qui existe
depuis 10 ans, procurant au pays l’ordre, le travail et la prospérité,
alors que tout autre gouvernement est impossible, j’espère que
vous soutiendrez ma candidature.
Vous me connaissez tous : j’habite parmi vous et il vous sera facile d’être
souvent en communication directe avec moi. Vous pourrez ainsi me parler de vos
intérêts, qui sont les miens et que je serai toujours prêt
à défendre.
J’aurais voulu visiter toutes les communes mais la période électorale
n’est que de 15 jours. J’ai donc été forcé
de ne provoquer de réunion qu’au chef-lieu de canton ; mais n’étant
plus un inconnu parmi vous, vous saurez voter dimanche en connaissance de cause
et j’espère que votre verdict viendra fortifier le gouvernement
républicain.
Croyez à tout mon dévouement
Et il définit ainsi la liberté (1879) :
Le mot liberté est facile à prononcer
; de la bouche des partis ennemis il faut vous en défier. Leur but est
de la demander partout où elle peut produire des abus, car ils espèrent
tuer la république à force de libertés. Il y a un degré
où la liberté s’appelle licence, et c’est à
ce degré que les ennemis de la république souhaitent la voir arriver.
En 1895, alors qu’il est maire de Thibouville et conseiller général
à Beaumont, il sollicite ainsi ses électeurs pour sa candidature
au Sénat (en remplacement du comte d’Osmoy, décédé)
:
(…) Convaincu que la République est définitivement
assise sur des bases inébranlables, je suis d’avis que l’âpreté
des luttes passées doit s’adoucir sensiblement et faire place à
la concentration de tous les intérêts, gravement menacés
par les ennemis de tout ordre social.
Mais je pense aussi qu’il faut prendre un souci constant de l’existence
souvent difficile des travailleurs, s’occuper, dans un grand esprit de
solidarité, des classes souffrantes et demander, s’il en est besoin,
des sacrifices raisonnés aux plus favorisés du sort.
Quant à nos intérêts particuliers (je parle surtout aux
agriculteurs), mon seul titre de Président du Comice et du Syndicat agricole
de Bernay vous est un sûr garant que, les ayant défendus en toute
circonstances dans notre arrondissement, je ne faillirai pas à cette
tâche, quand elle me sera confiée par le département tout
entier. Les justes revendications de l’Agriculture, ses plaintes malheureusement
trop justifiées me sont parfaitement connues. Il est presque inutile
de vous dire qu’elles feront l’objet de mes constantes préoccupations.
Voici résumée, dans « L’Almanach annuaire du Neubourg
» de 1898 cette carrière politique, des origines à son élection
de sénateur :
De 1870 à 1885, M. Parissot avait fait entendre,
par ses brochures, par ses paroles et la bienfaisance dont il a toujours été
prodigue, la parole républicaine dans le canton de Beaumont-le-Roger
et dans l’arrondissement de Bernay. Tout le monde sait que cet arrondissement
est entièrement bonapartiste et M. Parissot, en faisant de la propagande
républicaine dans un centre réactionnaire, le fit donc tout d’abord
par conviction sans jamais espérer d’en recueillir la moindre récompense.
Dix fois candidat, soit comme conseiller général contre M. de
Boisgelin, soit comme député contre M. Fouquet, encore député
bonapartiste de l’arrondissement de Bernay, il était le porte-drapeau
du parti républicain et il fut mis sans cesse en échec par ses
adversaires réactionnaires.
En 1885, lors des élections au scrutin de liste, il fut porté
sur la liste républicaine et fut soutenu aussi bien par les républicains
de Louviers que ceux de Bernay. La liste conservatrice étant élue,
il fut à nouveau battu, et, comme beaucoup de ses camarades de lutte
étaient peu fortunés, sa bourse paya la large part des frais de
l’élection. A ce moment, tout le parti rendait hommage au désintéressement
de M. Parissot et personne ne mettait en doute la sincérité de
ses idées.
Enfin, aux dernières élections au conseil général
de Beaumont-le-Roger, on apprit avec plaisir que M. de Boisgelin était
enfin battu et que son heureux vainqueur était M. Parissot.
Vint plus tard une élection sénatoriale dans l’Eure. M.
Parissot est candidat, et comme l’arrondissement de Bernay est représenté
à la Chambre par un bonapartiste, les vœux de tous se tournaient
vers le conseiller général de Beaumont-le-Roger pour qu’au
moins les intérêts de l’arrondissement ne fussent point délaissés
auprès du Gouvernement. Il est élu !
C’était en mai 1895, et son succès fut hélas assombri,
le même mois, par la mort de son père, dont il était toujours
demeuré très proche, et qui avait subi, cette même année,
de la main du docteur Trousseau, une délicate opération
de la cataracte. Le vieillard, veuf depuis de longues années (1855 –
Albert avait donc été orphelin de mère à 10 ans),
était octogénaire, et le tout nouveau sénateur de 50 ans
était encore célibataire (et le restera toute sa vie). Les funérailles
eurent lieu à Paris. Le cortège funèbre partit sans doute
de l’hôtel particulier des Parissot (construit en 1877 par l’architecte
J. Février) rue de Messine…
… jusqu’à l’église Saint Philippe du Roule,
où la fanfare beaumontaise « Les Echos de la Risle » rendit
un hommage musical au défunt, avant qu’il ne soit emporté
dans le caveau familial Parissot-Pannier du Père Lachaise
(concession à perpétuité n° 79, 68° division 12
face 69-2 de la 65 )…
…dont un de mes correspondants, M. Christian Juin a soigneusement
relevé les noms :
Côté gauche
du monument :
Louis-François Pannier (1796-1871)
Angélique Cavillon (1797-1875)
Louis-Adolphe Pannier (1827-1851)
Côté droit :
Guillaume Parissot (1814-1895)
Eugénie Angélique Pannier (1823-1855)
Emile Parissot (1847-1859)
Face :
Albert Parissot (1845-1911)
Le cumul des mandats étant alors autorisé, le nouveau sénateur
resta conseiller général, et maire de Thibouville, où il
avait été élu en 1884.
S’intéressant de près à l’agriculture, il avait
donc fondé le comice agricole, le syndicat agricole de Bernay, précisant
:
L’association a pour objet l’étude
et la défense des intérêts économiques agricoles
et le développement des progrès de l’agriculture dans la
circonscription. A cet effet elle pourra notamment s’employer à
faciliter la création de syndicats agricoles, donner des conférences,
instituer des concours agricoles et y distribuer des récompenses, enfin
contribuer par tous les moyens qu’elle jugera bons à obtenir l’amélioration
des rendements agricoles, l’élevage et le perfectionnement des
races de chevaux et de bestiaux, le bonne utilisation des engrais et l’emploi
pratique des machines agricoles. Elle pourra créer dans un ou plusieurs
cantons des champs d’expériences agricoles pour l’étude
de la meilleure utilisation à faire des engrais et semences.
Au conseil général, toujours concernant l’agriculture et
l’élevage, il émet les vœux suivants :
- allègement des charges pesant sur les éleveurs
en cas d’épidémies
- que la visite des animaux se rendant aux marchés soit faite gratuitement
par les vétérinaires nommés par le département,
rétribués par lui, comme dans le Calvados et la Seine Inférieure.
- l’interdiction temporaire de l’introduction en France des moutons
en provenance d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, qui ont importé
l’épizootie de fièvre aphteuse.
- surveiller l’office de la désinfection des wagons dans lesquels
auront été transportés les bestiaux et notamment les moutons
achetés à La Villette.
Nul doute qu’il fît appliquer ces principes dans ses fermes modèles
de Thibouville, Fumechon, Ecardenville, et Beaumont, où il occupa une
autre belle demeure…
.....
… dont l’une des allées s’achève par cette harmonieuse
construction …
… destinée à admirer ses champs, qui n’étaient
peut-être pas, à son époque, semés de lin…
… et dont les meules des moissons n’avaient pas cette forme actuelle
:
On peut imaginer qu’il lui arrivait de planter là son chevalet
car il était également peintre. Mes recherches ont été
hélas infructueuses pour retrouver une seule image de ses œuvres,
qui semblent volatilisées, mais dont il demeure cependant trace dans
la Bible des artistes, j’ai nommé : le Bénézit :
Parissot (Albert Georges) peintre de fleurs et de
fruits, né à Paris au XIX° siècle (Ecole française).
Elève de Bouchet et Bergeret. Débuta au Salon en 1879. Sociétaire
des Artistes Français depuis 1888
Peintre de fleurs et de fruits : qui dit mieux pour un descendant d’une
Belle Jardinière ? C’est aussi la trace probable de l’enseignement
de Bergeret, spécialisé dans les « Natures mortes ».
On peut d’ailleurs admirer de ce professeur, un appétissant «
Homard et crevettes » au musée de Rouen.
Son élève exposa donc des « Chrysanthèmes »
au Salon de 1878, des « Fruits » et des « Oranges »
au Salon de 1879, et un « Envoi de fleurs » au Salon de 1880. Pour
ces 3 années il est domicilié au 143 du boulevard Haussmann.
On peut rêver sur cette œuvre disparue (car si j’en ai trouvé
titres et dates d’exposition, je n’en ai hélas découvert
aucune reproduction) voire supposer d’autres thèmes que ceux précisés
ici. A quelle jolie femme, par exemple, était destiné cet «
Envoi de fleurs » ? Car si Parissot resta célibataire, la rumeur
publique – qui perdure encore – lui prêta nombre de maîtresses
(on me précisa même, dans une de ses anciennes fermes, l’identité
de l’une d’entre elles). Imaginera-t-on quelques portraits d’élégantes,
telles celles immortalisées par Jules-Alexandre Grün
(1868-) dans son « Vendredi au salon des Artistes Français »,
vaste toile de 6 mètres de long, présentée l’année
de la mort de Parissot ?
Ou notre sénateur préférait-il quelques beautés
rurales, telles celles d’Albert Fourié (1854-1937)
dans son « Repas de noces à Yport » (1886)
Monsieur Juniau se souvenait avoir vu, chez son grand-père des tableaux
dont il ignore s’ils avaient été peints par Parissot, mais
dont il est certain qu’ils ne représentaient pas des fleurs ou
des fruits. Ces tableaux disparurent pendant l’occupation allemande de
la dernière guerre, tout comme le billard de Parissot, dont M. Juniau
se souvient également.
Mais qui donc étaient les partenaires de billard de notre sénateur-artiste
?
On peut imaginer qu’il eut beaucoup d’amis – vrais ou faux
– de par sa situation politique et sa fortune. Mais il est avéré
qu’il était généreux de cette fortune, selon une
affirmation dont il avait fait sa règle de vie : Je
ne prête pas, je donne. Toujours tiré de l’Almanach
annuaire du Neubourg :
Qu’a fait M. Parissot depuis qu’il est
sénateur et conseiller général ? S’occupant peu de
politique, il visite presque quotidiennement les communes de son canton, soutient
les malheureux, fait construire à ses frais des lavoirs et des édifices
communaux dans toutes les communes qui en sont dépourvues et est pour
ainsi dire le père de famille de tout l’arrondissement. Les affaires,
il les traite avec justice et équité : soyez catholique ou libre
penseur de n’importe quelle nuance politique que vous vouliez, il ne s’occupe
d’autre chose que de faire : le Bien.
Echo comparable, mais en plus grinçant, dans un ouvrage de fiction :
« La Bossue », de Robert Poirier de Narcay (1859-1918)
:
Les électeurs de ces agglomérations
rurales avaient voté, il est vrai, pour le candidat républicain,
gros manufacturier retiré des affaires, avec une colossale fortune ;
mais leurs sympathies allaient non point aux principes qu’il représentait,
mais au caractère affable de l’homme et à la facilité
d’ouverture de sa bourse, facilité qui s’était traduite
en érections d’écoles, réfections d’églises,
oui, d’églises, contradiction évidente, pourtant très
appréciée des électeurs, en aumônes discrètes,
rafraîchissements de gosiers altérés, entretien même
d’ivrognes avérés.
L’allusion aux gosiers altérés, ivrognes avérés,
est probablement une référence au fait qu’Albert Parissot
défendit le privilège des bouilleurs de cru. Et l’époque
était aux banquets. Il y en eut de mémorables cette année
1895. Je n’en évoquerai que deux. Celui du 2 mars eut lieu à
l’Hôtel du Lion d’or de Beaumont (établissement plusieurs
fois centenaire et dont le propriétaire du moment était Lucien
Huet), commençant par moult discours de messieurs Hurel
(maire), Guéret (adjoint), Sangrain
(avocat à la cour d’appel de Paris), Puel (maire
de Bernay), Bréville (inspecteur d’école
primaire), Hervieu, et bien sûr Parissot, devant quelque
200 convives dans un décor où la verdure le disputait aux tentures
et faisceaux de drapeaux. La musique apparut au dessert, pour une remise de
médaille vermeil à Parissot, et tout cela se termina par une Marseillaise.
Nouveau banquet le 2 mai, offert par la municipalité de Bernay. 300 convives,
sous une tente (50m/10) dressée dans le jardin de la sous-préfecture,
éclairée au gaz. Le service fut un peu long, on dut attendre passablement
les dindonneaux. Mais la fête se poursuivit en nocturne, avec un concert
où furent interprétés « La Fauvette du temple »,
opéra-comique d’André Messager (1853-1929)
« Sur les flots », valse de Tréfouel, une
marche bretonne, « San Francisco » (marche militaire, de Schubert
?), l’ouverture du « Domino noir » (opéra-comique à
succès – 1209 représentations salle Favard ! - de Daniel-François
Esprit Auber (1772-1871), et « Grenade » (boléro
de Jacques-Louis Battmann (1818-1886). Et bien sûr le
sénateur, selon sa généreuse habitude, fit un don pour
soulager les nécessiteux de la ville.
Quant à se soucier de l’état des églises, comme,
par exemple, offrir à celle de Launay, deux vitraux…
… Parissot n’était pas en contradiction avec lui-même
puisqu’il vota contre la loi de séparation de l’Eglise et
de l’Etat en 1905 (ayant tout de même précisé qu’il
était nécessaire de faire respecter la religion lorsqu’
elle ne sort pas de son domaine). Mais sans doute Poirier de Narcay,
ce littérateur à particule n’était-il pas du même
bord politique que notre sénateur. Initialement médecin à
Beaumont (où il situe l’action de son roman, respectant les noms
de lieux et maquillant sans doute d’identités fictives quelques
habitants), il fut ensuite journaliste, écrivain, et eut également
une carrière politique de député. Son éloge funèbre
fut faite par Maurice Barrès (1862-1923). Son roman,
publié vers 1900, aurait complètement disparu, si Pierre
Hervieu…
…et Bertrand Hervieu n’en avaient assuré
une réédition en 1980, avec une postface d’Armand
Frémont (universitaire à Caen) et des illustrations de
Danièle Bouttier, artiste beaumontaise.
Parissot eut également des démangeaisons de plume, écrivant
quelques saynètes (imprimées par trois chez G. Chamerot,
Paris, quai des Augustins) : « Précepteur-vétérinaire
et amoureux ! Divorce et fatalité ! Avant minuit » (1881) «
Sous un masque, Chez le Docteur, Grandes manœuvres » (1882), sur
lesquelles je ne saurais porter aucun jugement, ne les ayant pas lues. J’en
conclus seulement qu’il ne reniait pas son tempérament artistique,
tout absorbé qu’il fût par la politique. Quant aux lieux
de représentation de ces saynètes (comportant peu de personnages),
on peut aussi bien imaginer les salons de ses demeures parisiennes, ou, en été,
son théâtre de verdure. Il acquit ce terrain de Beaumontel vers
1880, y fit planter diverses variétés d’arbres, dont nombre
de résineux, et comme il semblait aimer le cercle, fit tracer un parcours
adoptant cette forme, à l’intérieur de laquelle on pouvait
trouver deux autres cercles : ce théâtre de verdure et un belvédère
où était érigé un superbe kiosque (en demi-cercle)
...
.....
…que j’ai parfois entendu nommer un « rince-bouteilles ».
A l’origine vitré il était destiné à de charmants
pique-nique plus abrités que ceux ayant lieu au théâtre
de verdure. Dans le demi-cercle devant le kiosque (et d’où était
alors visible la vallée, tout comme du théâtre de verdure)
une statue de centaure était érigée, que j’ai connue
partiellement cassée…
… et qui a un jour disparu. Mais il semblerait qu’elle ne soit pas
disparue pour tout le monde, car un correspondant (anonyme !) de notre livre
d’or assura qu’elle avait trouvé un nouvel emplacement dans
un jardin privé à 3 km. de son lieu d’origine. Pourquoi
ce choix d’un centaure, personnage de la mythologie grecque, mi-homme
mi-cheval, et dont la troupe avait la réputation d’enlever les
femmes et de boire déraisonnablement ? Encore une question sans réponse
(ou dont la réponse inclinerait à penser que le commanditaire
de l’œuvre était un gaillard !)
Par un bel après-midi de juin 1989, alors que mon mari et moi, une fois
de plus en promenade au Parc, faisions une pause dans ce théâtre
de verdure, nous entendîmes parler allemand. Notre surprise fut moins
grande que celle des deux personnes conversant dans cette langue car je savais
que les arrières de ce théâtre de verdure avaient servi
de cimetière allemand pendant la dernière guerre. Mais les tombes
ayant ensuite été relevées et transférées
au cimetière allemand de Saint-Désir-de-Lisieux, la végétation
– qui, au fil du temps, avait caché les paysages des belvédères
– avait repris ses droits. Les deux promeneurs se présentèrent
: Claude Masson, ancien journaliste à Ouest-France,
Otto Happel, ancien radio du terrain d’aviation allemand
implanté, de 1940 à 1944, entre Pierrelaye et Beaumont-la-ville,
sur les anciennes terres de Parissot. Bien que née après la guerre
(1947) j’avais évidemment entendu évoquer cet aérodrome,
car il fut le plus important de Normandie (jusqu’à 2500 Allemands
y passèrent, soit autant que la population beaumontaise). La conversation
s’engagea, car Otto revenait chaque année à Beaumont, essayant
toujours d’y retrouver quelques Français avec lesquels il s’était
lié durant cette terrible époque, et j’étais pour
ma part très curieuse d’en apprendre un peu plus sur ce terrain,
dont il reste des traces, sous forme de pistes…
.....
… ou de murs d’anciens bâtiments, dans les pâtures et
les champs :
.....
Ces ruines, fragments d’histoire, m’avaient toujours été
familières dans mon enfance (comme devaient l’avoir été,
pour les enfants nés sur les côtes normandes, les restes de blockaus)
mais j’aurais aimé, adulte, voir des photos de ce terrain lorsqu’il
était en service. Et voilà que cet Allemand en possédait
dans sa voiture, à l’entrée du parc. Il m’en montra
donc, et même, l’année suivante, m’en donna, de son
baraquement…
.....
… et cette autre datée de juillet 1942, d’un de ses camarades
en compagnie de deux gradés, dont Walter Oesau (1913-1944)
le « kommodore » du JG2 Richthofen
… ainsi que de l’enterrement d’Egon Mayer (1917-1944)
ayant eu lieu dans ce théâtre de verdure (8 mars 1944) :
.....
Et moi, pour ne pas être en reste quant à la mémoire des
lieux, j’évoquais Parissot, lui apprenant que cet endroit avait
eu, bien antérieurement, une plus aimable fonction.
Revenons-en, d’ailleurs, à Parissot. Peut-être fit-il également
jouer ses saynètes et/ou exposer ses œuvres picturales au Cercle
Volney (fondé en 1884), à Paris. Ce cercle n’était
qu’un regroupement d’artistes parmi d’autres, car ainsi que
nous l’apprend Jean-Paul Bouillon : La
multiplication et le développement des sociétés d’artistes
constitue sans doute l’une des caractéristiques de la vie artistique
française durant cette période. Plus généralement
c’est peut-être l’un des indices significatifs des modifications
profondes de la société française à cette époque.
Parissot s’intéressait également de près au fonctionnement
de la justice, proposant d’améliorer l’état des prisons.
Enfin il « militait » pour la défense du patrimoine (notion
récente après tous ces siècles de négligence où
les destructions et le réemploi des matériaux avaient fait disparaître
nombre de monuments). Il était en cela émule de Prosper
Mérimée (1803-1870)…
… qui fut, dès 1834, nommé au tout nouveau poste d’Inspecteur
général des Monuments historiques et Antiquités nationales.
Voici le discours que Parissot prononça au Sénat, le 26 décembre
1895 :
Messieurs, vous allez être appelés, dans
quelques semaines à donner votre avis sur les projets de la prochaine
exposition universelle et à juger de la valeur des divers monuments dont
les plans et détails doivent nous être incessamment présentés.
Je me plais à espérer que la construction de ces palais nouveaux
donnera satisfaction à notre goût artistique, mais je ne suis pas
sans éprouver quelque inquiétude quand je songe aux derniers spécimens
dont nous voyons encore au Champ de Mars les squelettes plus ou moins abandonnés.
Et je me mets à songer, messieurs, qu’il est un palais, merveille
de Paris et du monde, qui réunit à la fois les plus grands souvenirs
historiques et les modèles divers des plus charmantes architectures,
et que ce palais, nous semblons l’avoir oublié, nous le laissons
inachevé, alors qu’il reste très peu de chose à faire,
et cela faute de quelques millions, de quelques centaines de mille francs peut-être.
Je veux parler, vous l’avez compris, du palais du Louvre. Il reste, messieurs,
trois parties à terminer dans le Louvre pour qu’il soit entièrement
achevé. Permettez-moi de vous les indiquer très brièvement.
Il y a d’abord le grand escalier, l’escalier d’honneur, le
seul qui soit digne du monument et des collections admirables qu’il contient.
Depuis vingt-cinq ans cet escalier est en construction, depuis vingt-cinq ans
il est presque inabordable, rempli d’échafaudages, avec des marches
en bois et plongé dans une demi-obscurité. Il ferait partie d’un
bel hôtel parisien qu’il serait terminé avant six mois !
(…) Vient ensuite sur la place du Carrousel, tournant le dos à
la rue de Rivoli, une ligne d’anciens bâtiments qui doivent disparaître
dans le plan d’ensemble ; il s’agit de répéter entre
les guichets et le pavillon de Marsan la même architecture déjà
réalisée de l’autre côté de la place. (…)
Enfin, sur la rue de Rivoli, entre les guichets et la place des Pyramides, vous
voyez un grand nombre de niches attendant depuis longtemps leurs statues de
pierre : il y en a 46 exactement. J’ajoute que cette partie du Louvre
est peu intéressante tant que les dites statues ne seront pas à
leur place ; elles doivent jouer le rôle principal dans l’effet
architectural : sans elles le monument est absolument insignifiant. Il ne manque
pas de statuaires de talent qui seraient heureux d’avoir des commandes
de l’Etat (…) Cela fait, en y ajoutant quelques parterres habilement
dessinés dans la grande cour du Carrousel, le Louvre sera enfin complètement
achevé, et nous pourrons le montrer avec fierté aux étrangers
que doit attirer l’exposition universelle. Ne trouvez-vous pas, messieurs,
qu’il est intéressant que le dix-neuvième siècle
se termine dignement par l’achèvement de ce monument admirable,
la gloire non de Paris, mais de la France entière ? Je viens donc demander
à M. le ministre des beaux-arts de faire étudier, non pas les
plans – ils existent déjà – mais les dépenses
nécessaires qu’on pourrait répartir sur les budgets de 1897,
1898, 1899 et 1900. L’exposition de 1880 nous a légué, hélas,
la galerie des machines et la Tour Eiffel. Celle de 1900 nous lèguera
le Louvre enfin achevé. Ceci nous consolera de cela !
Vifs applaudissements dans les rangs : la tour Eiffel avait alors ses détracteurs,
tout comme le mouvement impressionniste…
Peut-être que Parissot, évoquant les niches en attente de statues,
s’était remémoré ces autres niches dont les statues
avaient disparu depuis longtemps au Prieuré de la Trinité à
Beaumont …
… comme avaient disparu ses vitraux…
… ne laissant plus, de ce Prieuré qu’un immense cadavre dépecé
:
Et pourtant, il avait eu de quoi se défendre, ce Prieuré, avec
son redoutable mur de fortification…
… doublé d’un autre mur fortifié dès son couloir
d’entrée…
…où la lumière traverse d’autres fenêtres orphelines
de leurs vitraux…
C’est Roger à la barbe (1015-1094), fils d’Onfroi
de Vieilles (mort vers 1050), lui-même petit-fils d’un
certain Torf de Pont-Audemer (prénom assurément
viking) qui fonda ce prieuré. Ce qui avait été une grande
partie de la Neustrie, ravagée par ces hommes venus du nord de l’Europe,
était en effet devenue la Normandie. Rollon (mort vers
930), son conquérant viking, s’était, en échange
des terres accordées par le traité de St Clair-sur-Epte (911)
converti au christianisme (au moins en apparence) et avait été
fait duc de Normandie par le roi de France Charles III (879-929).
Son arrière-petit fils, Richard II (996-1026), avait
épousé, en l’an 1000, à l’abbaye du Mont Saint
Michel, Judith de Bretagne (982-1017), à laquelle il
avait donné différents domaines dont : Fontaine-Labbé,
Beaumont, Beaumontel, Vieilles ; dans lesdits domaines 21 églises, 18
moulins, 13 charrues de bœufs avec tous les serfs et tout le mobilier des
domaines, avec les prés, forêts, terres cultivées et incultes,
issues et revenus, eaux et cours d’eau, pêcheries et tout ce qui
paraît dépendre de ces lieux. L’héritage
de Judith (qui avait légué tous ses biens à l’abbaye
de Bernay, qu’elle avait fondée), fut objet de querelles entre
seigneurs locaux, ce qui permit à Onfroi (cousin de Richard II) d’hériter
de Vieilles, Beaumont et Beaumontel. Son fils Roger, héritant de son
père, de son frère aîné, et de son épouse
Adeline de Meulan (morte en 1081), possédait donc de
grands domaines. Il fut un personnage important de ce XI° siècle
puisqu’il était des quinze barons réunis à Lillebonne
par Guillaume le bâtard (1027-1087) duc de Normandie, pour organiser une
expédition punitive contre Harold (1022-1066) fils d’Edouard
le confesseur (1004-1066), roi d’Angleterre. Edouard avait en
effet désigné Guillaume pour son successeur, mais Harold, refusant
le choix paternel, s’était emparé du pouvoir en 1066. L’expédition
punitive fut un succès, comme on sait, et Guillaume, en plus d’y
gagner l’Angleterre y gagna un nouveau surnom, plus reluisant : il devint
Guillaume le Conquérant. Quant à Roger, dont
on ignore s’il s’était enfin rendu aux canons de la mode
en rasant sa barbe, il est passé à l’histoire sous le nom
de Roger de Beaumont. Il ne fut pas pour autant sur les vaisseaux
ayant fait vent vers l’Angleterre (mais il en équipa 60 pour le
transport des troupes !), Guillaume l’ayant prié de gérer
le duché de Normandie en son absence et de prendre soin de son épouse,
Mathilde de Flandre (1031-1083) laquelle vécut donc
à Beaumont durant quatre années. Elle aurait certes eut le temps
d’y broder, avec quelques dames d’honneur, la célèbre
« tapisserie » portant son nom, si nous ne savions à présent
que cette toile brodée avait été commandée par Odon
de Bayeux, demi-frère de Guillaume, pour orner la nef la cathédrale
dont il était l’évêque. Et Odon étant passé
en Angleterre en même temps que Guillaume, on sait également que
cet extraordinaire ouvrage fut fait à Winchester ou Cantorbéry
entre 1066 et 1082, et non pas à Bayeux ni dans la forteresse de Beaumont
!
Forteresse ? Où (se demandent probablement les touristes contemporains)
? Et la réponse laisse incrédule vu la structure du terrain :
au-dessus du prieuré (qui aurait été une plus vaste abbaye,
avec collégiale, si le terrain avait été plus vaste), dans
ce qui n’est plus à présent qu’un fouillis végétal.
Elle avait pourtant été puissante, cette forteresse…
… qui communiquait avec le prieuré par des couloirs et escaliers
dérobés, dont il ne reste que quelques entrées, où
je pouvais encore pénétrer dans mon enfance (y respirant, dans
l’obscurité aussi rassurante qu’un ventre maternel, la puissante
odeur de pierre crayeuse), mais que l’obsession sécuritaire de
notre siècle a fait récemment obturer de grilles :
Roger, donc, fut un grand constructeur, doublé d’un homme intègre,
ainsi que le définit le moine bénédictin Guillaume
de Malmesbury (mort en 1143) : homme d’une
simplicité et d’une bonne foi antiques, il refusa toujours d’aller
en Angleterre où le Conquérant lui offrait toutes les possessions
qu’il pouvait demander. Mais il n’était point dans ses intentions
d’envahir, de l’autre côté de la mer, des biens sur
lesquels il n’avait aucun droit. On lui doit aussi, à
l’intérieur de sa ville ceinte de remparts…
…l’église Saint Nicolas, qui fut … détruite
vers 1170 lorsque Henri II d’Angleterre (1133-1189) s’empara
de la ville, reconstruite peu après, de nouveau partiellement ruinée
en 1438, encore reconstruite, finalement achevée au XVII° siècle,
comme en témoigne son portail :
Pénétrant alors à l’intérieur, on est frappé
par la hauteur du bâtiment…
… et surtout par la beauté des vitraux Renaissance, attribués
à Francesco Primaticcio, dit Le Primatice
(1504-1570)…
… arrivé en France en 1549 et qui aurait
également eu des projets de vitraux pour le château d’Anet,
une hypothèse étayant l’autre… Quelques exemples ci-dessous
de ces merveilles de l’église de Beaumont (où il manque
hélas les photos de mes vitraux préférés : «
La légende de Théophile » et de somptueuses « Noces
de Cana »)
Entrée de Jésus à Jérusalem
La Cène
Martyr de St Christophe
Saint Christophe portant Jésus
Nativité
On peut également admirer deux clefs pendantes…
.....
… un impressionnant lutrin (2m10 de hauteur), une émouvante Pieta
(XVI° siècle.), le maître-autel (XVII° siècle, avec
tabernacle en marbre et deux anges de bois doré), la dalle mortuaire
(XIV° siècle) de Jehan de Moustiers et son épouse
Jacqueline de Gauville , ainsi qu’une vingtaine de statues
en bois ou pierre (XV°, XVI°, XVII° siècles), dont voici
deux exemples :
Notre-Dame de Grâce
(bois, XVI° s.)
Saint Roch
(bois, XVII° s., attribué à Michel Lourdel
ou son atelier)
Certains de ces chefs-d’œuvre proviennent parfois d’autres
bâtiments cultuels disparus au fil des siècles : les églises
Saint-Aubin (destruction révolutionnaire) et Saint-Léonard (destruction
révolutionnaire), les chapelles Saint-Martin et Saint-Jean et, à
l’intérieur de l’Hôtel-Dieu, les chapelles Saint-Antoine
et Sainte-Véronique. Cet Hôtel-Dieu, commencé en 1312 et
continué par Louis XI (1423-1483) a été
supprimé à la fin du XVII° siècle. Nous connaissons
son emplacement approximativement en face de l’ancienne
mairie, écrivait Jacques Charles en 1990.
Cette approximation me permet d’imaginer que ma maison natale…
… fut construite à cet emplacement brutalement dégagé
; voire de supposer, même, que notre tour de l’escalier…
… était une partie épargnée de cet ancien établissement
charitable, sur lequel aurait été construite la petite maison
accolée à cette tour, et qui, portait, inscrite dans la pierre,
la date de 1772 :
Fut partiellement épargnée de la destruction l’Eglise Notre
Dame de Vieilles (XVI° siècle). Très partiellement car il
n’en reste guère qu’une tour (ayant perdu sa partie supérieure)
et quelques mètres de murs, sur lequel j’ai remarqué un
graffito marin. Sans doute l’ex-voto d’un marin beaumontais se mettant
sous la protection de la Vierge, ou remerciant de n’avoir pas fait naufrage.
Cette œuvre mineure mériterait d’être protégée
car, subissant l’usure du temps, elle est en voie de disparition.
La forteresse, le Prieuré de la Trinité et l’église
Saint Nicolas, ces trois chefs-d’œuvre dus à Roger de Beaumont
(dont les fils Robert et Henri se couvrirent de gloire en Angleterre,
le premier à la bataille d’Hastings, le second en matant la révolte
des Gallois et des Bretons, ce qui leur valut d’être faits comte
de Leicester et comte de Warwick.) n’ont pas
tous subi des sorts identiques. Plus généralement Beaumont connut
bien des drames et destructions successives, des guerres médiévales
multiples (dues au fait que les rois d’Angleterre, descendants de Guillaume,
tenaient à conserver cette ville autant que les rois de France (dont
ils étaient les vassaux !) et de Navarre tenaient à la récupérer)
: Philippe Auguste (1165-1223) prit et détruisit la
ville en 1198 ; elle fut reconstruite, mais Bertrand Du Guesclin
(1320-1380), au service du roi de France Charles V (1338-1380)
l’assiégea et en rasa fortifications et château quand elle
se rendit, le 3 mai 1378. Puis ce fut au tour d’ Henry V d’Angleterre
(1387-1422) vainqueur d’Azincourt en 1415, de prendre Beaumont en 1418,
puis en 1431. Un incendie ravagea la cité en 1450, et en 1593, les Anglais,
alliés de l’Espagne brûlèrent entièrement la
cité encore une fois reconstruite. Enfin la tempête révolutionnaire,
passa sur Beaumont, ce dont le Prieuré pâtit grandement, comme
nombre de bâtiments religieux dans toute la France. En partie détruit,
il ne subsista partiellement que grâce à une filature de coton
et une fabrique de rubans qui y furent installées. Nouvelle menace en
1847, quand la ville refusa de l’acheter aux propriétaires du moment
(qui en demandaient pourtant une somme bien inférieure à sa valeur
!), préférant l’adjuger à un homme qui détruisit
l’édifice pour en vendre les matériaux ; on brisa les tombeaux
pour en négocier la pierre, jetant parmi les décombres les morts
ensevelis dans leurs linceuls de cuir tanné. C’est alors que monsieur
Lenormand, membre de l’Institut, tardivement prévenu,
arrêta la démolition déjà avancée et racheta
ce qui restait pour en faire une promenade publique. De cette période
troublée datent d’anciens fours en briques…
… un dessin (1840) des frères Laumônier
… deux gravures romantiques :
.....
Albert Robida (1848-1926)…
…immortalisa également ce monument (mais je n’ai pas de reproduction
à en proposer ici) à un moment où des masures étaient
encore accolées à ses murs…
.....
… et ne furent supprimées qu’après 1950, comme en
témoigne cette photo prise dans ma petite enfance (oui : c’est
moi dans la poussette !)
Et l’église n’était pas épargnée non
plus de cet inesthétique voisinage (avant 1903)
… dont elle fut débarrassée ultérieurement (c’est
encore à Parissot qu’on doit la disparition de ces « verrues
», car il les racheta à leurs propriétaires pour pouvoir
les supprimer) :
On construisit alors (1904-1905), sous la direction de M. Gossart
, architecte des monuments historiques, un mur de soutènement et le grand
escalier d’accès au parvis.
Mais le dernier lieu de culte de Beaumont encore existant eut, comme une grande
partie de la ville, à souffrir de la proximité du terrain d’aviation
allemand de la dernière guerre :
Quelques courts extraits du très long article de presse (avril 1992)
d’Emanuel Huille au sujet de cette bataille aérienne
:
(…) Suite à un décalage de minutage
6 Lancaster partis de Nettleton pour un raid sur Augsbourg rencontrent des avions
allemands revenant de Rouen (…). Un premier Lancaster tombe, se désintégrant
avec ses 7 membres d’équipage (…) Un second a son fuselage
déchiré par les obus ennemis, mais le pilote, bien que légèrement
blessé, réussit à larguer les bombes et se poser dans un
champ ; avant de fuir l’équipage prend le temps d’incendier
l’avion (…) Un troisième Lancaster, touché à
mort, éventre un bâtiment de ferme où il se désintègre
(…). Les 3 autres sont en fuite, mais l’un est rejoint et abattu
près du terrain d’Evreux (…). Les deux derniers sont touchés
à leur tour, mais les Allemands cessent brusquement de les poursuivre,
craignant de manquer de carburant et préférant se poser à
Evreux (…). Malgré l’état de ces deux avions, les
équipages maintiendront leur cap sur Augsbourg, où ils lâcheront
comme prévu leurs bombes sur l’usine M.A.N., avec le renfort d’un
autre escadron de 6 Lancaster ayant échappé à la chasse
allemande(…). Quant aux rares membres d’équipages sortis
vivants des avions tombés dans les champs de Beaumont, l’un a pu
se cacher dans une grange, où les Allemands l’arrêteront
le lendemain. Les six autres sont recueillis par madame Dupont
une fermière dont le mari était prisonnier. Le lendemain ils commencent
une errance de deux semaines à travers bois, avant d’être
à nouveau recueillis par monsieur Demarquay un cultivateur.
Et le jeune Jacques Courcoul les convoie chez les Siodeau puis
les Legenvre. La Résistance les dirige alors sur Alençon, où
l’ancien chef-pilote de l’aéro-club Francis Cagnard
les emmène franchir la ligne de démarcation. Ils sont hélas
arrêtés par la police de Vichy à Limoges. Ils connaîtront
la captivité dans un vieux fort près de Nice, seront transférés
en Italie, puis en Allemagne et dans un sinistre camp du fond de la Pologne.
Ce combat aérien n’avait fait aucun dégât sur Beaumont,
et aucun Français n’y avait été tué. Il n’allait
pas en être de même à partir de 1943, avec l’arrivée
de la 8° Air Force en Angleterre, ainsi que le rapportait Robert Fort, maire
de Beaumont, en 1945 :
Trente-deux bombardements en un an ! Telle est la
cruelle rançon payée par Beaumont-le-Roger pour sa libération
après quatre années d’oppression par les troupes allemandes
(…). Le premier bombardement eut lieu le 28 juin 1943, à 18h. Et
comme les Allemands n’avaient pas donné l’alerte, la ville
eut à déplorer 38 morts et de nombreux blessés. Les raids
alliés allaient se poursuivre, toujours plus violents, jusqu’au
24 août 1944, date de la libération de la ville par les troupes
canadiennes. Les plus terribles furent, outre le premier, ceux du 22 août
1943, du 23 mars 1944, du 22 mai 1944, qui eut lieu de nuit et au cours duquel
l’église saint Nicolas fut détruite et celui du 12 juin
1944 qui comporta trois bombardements successifs avec des bombes de petit calibre.
Le 17 août 1944, lorsque les Allemands commencèrent à se
retirer, une dernière pluie de bombes s’abattit sur la ville dont
le centre fut presque complètement ruiné. Finalement la Wehrmacht
se résigna à abandonner Beaumont-le-Roger, non sans avoir fait
sauter les trois ponts enjambant la Risle tandis que les habitants qui, depuis
les bombardements avaient abandonné leurs habitations, et dont beaucoup
vivaient dans des abris creusés à même les collines, rentraient
chez eux ou s’installaient dans des baraques.
Voici l’église mutilée, telle que je l’ai connue dans
mon enfance …
.....
… et telle qu’elle existait avant la guerre, collatéral nord.
Ce collatéral fut, toute mon enfance, la seule partie que je connus,
fermée, sur la droite, d’un mur de planches nous séparant
de ce qui avait été le chœur …
… et le collatéral sud, tout aussi endommagé……
La chaire (d’époque Louis XIII), les stalles du
chœur, sa clôture , les bancs de la nef, le banc d’œuvre,
le grand orgue, les vantaux sculptés de la porte sud, les vitraux du
XIX° siècle avaient été écrasés par les
bombes. Un certain nombre de verrières (celles qui étaient classées)
avait heureusement été sauvées grâce à l’intervention
de Marcel Baudot (1902-1990), historien et archiviste, qui
les avait fait déposer un mois avant les premiers bombardements. Entré
en résistance dès 1940, il termina la guerre comme chef des forces
françaises de l’intérieur pour le département de
l’Eure.
Les travaux de reconstruction (pour refaire à l’identique les parties
détruites) commencèrent en 1951, sous la direction de m. Merlet
, architecte en chef des monuments historiques Gabriel Gendreau
architecte départemental des bâtiments de France. Ce fut entrepris
avec des étapes dont j’ai la mémoire car elles correspondirent
parfois à des cérémonies me concernant : le chœur
fut rouvert par moitié pour les communions solennelles de 1958 ; et l’église
en son entier en 1971. De nouvelles verrières avaient été
posées, œuvres de Max Ingrand (1908-1969) et Michel
Durand. Et la dernière porte (dans le collatéral sud,
ouvrant sur la terrasse) fut refaite l’année de mon mariage (1975)
Furent également détruits, ce château :
…qui, occupé par les Allemands, avait également abrité
quelques-unes de leurs tombes :
Le manoir du Hom , plus éloigné de la trajectoire des avions fut
épargné :
.....
C’est une gracieuse construction datant du XVI° siècle, construit
sur l’emplacement d’un ancien château fortifié, où
s’illustra Isabelle de Pomereuil, au XV° siècle,
en résistant aux Anglais.
Mais le manoir de Chantereine…
......
… à mi-chemin de l’église et du prieuré subit
de gros dégâts. C’était en fait un grand domaine,
dont la première mention écrite nous apprend qu’il s’agissait,
au XI° siècle, d’un jardin que Raoul Pincerne
et son épouse Avicie donnèrent aux moines du
Prieuré pour sauver leurs âmes (qu’avaient-ils donc commis
pour les croire perdues? L’Histoire ne le rapporte pas). On n’en
sait guère plus jusqu’à la création du manoir, qui
serait due à François Mansart (1598-1666), lequel
aurait également édifié, à quelques kilomètres
de Beaumont, le somptueux château de Beaumesnil…
…dont les terres appartenaient, au siècle des très pieux
Raoul et Avicie, à … Roger de Beaumont. Le manoir de Chantereine
était beaucoup plus modeste que Beaumesnil quand il revint au Duc
de Bouillon, suite à un échange de domaines avec Louis
XIV (1638-1715). Cette modestie n’empêcha pas la confiscation
de la propriété nobiliaire par les révolutionnaires de
1789. Mais, peut-être parce que ce n’était pas un bâtiment
religieux, elle échappa aux habituelles démolitions. Devenue bien
national, puis impérial, elle fut offerte à l’impératrice
Joséphine par Napoléon 1er. On ignore
si elle y mit jamais le bout d’une chaussure et je vous fais grâce
de la liste des propriétaires suivants pour en arriver au dernier : Aston
Knight (1873-1948).
De parents américains, il naît à Paris. Voici ce qu’écrit
Bertrand Kempf de son père Daniel Ridgway Knight
(1839-1924) :
C’était un peintre des plus connus, qui
séjourna longtemps en France et qui s’était même fait
la spécialité de peindre la vie rurale française. Il avait
acquis le château de Poissy, ayant Meissonier comme voisin, ami et maître,
et une maison de campagne à Rolleboise. On peut le comparer à
Millet, mais en plus gai pourrait-on dire, ainsi qu’à Corot. Certaines
de ses toiles sont célèbres, pour l’anecdote je citerai
« Le bas de laine » qui fut acheté par le Gouvernement français
et dont les reproductions ornèrent en 1917 les postes, banques et mairies
de toutes les localités françaises.
Comme on le comprend, Aston eut l’heur de naître dans une famille
riche et talentueuse. Ce qui lui permit de devenir également peintre
puis de quitter la péniche (qu’il habitait sur la Seine du temps
où il suivait les cours de Jules Lefebvre (1837-1911)
et Tony Robert Fleury (1836-1911) à l’Académie
Julian de Paris) pour un moulin du XVI° siècle, qu’il acheta
près de Beaumont, avant 1914, puis le manoir de Chantereine, acquis en
1919. En quelque sorte il vécut toujours les pieds dans l’eau,
et ce n’est pas qu’une métaphore, car il n’hésitait
pas à chausser des cuissardes pour peindre in situ…
… dans la Risle…
… qui est toujours aussi claire…
… et qu’il illustra tant et plus :
Même quand il voyageait hors de France (Londres, Venise, New-York), c’était
toujours pour saisir sur ses toiles les reflets de la lumière dans l’eau.
Il devait d’ailleurs demeurer, pour la postérité,
le peintre des eaux.
Revenons-en à son installation à Beaumont. Le manoir était
entouré d’un jardin, qu’il agrandit et transforma :
Ce jardin était ouvert à toute personne voulant le visiter. Il
suffisait de sonner à la cloche de la porte d’entrée du
domaine…
…car le peintre avait en commun avec Albert Parissot (qu’il ne put
connaître hélas) une extrême générosité,
une volonté de partager non seulement son jardin…
…son tennis, ses piscines…
......
… mais aussi sa fortune car il venait régulièrement en aide
aux personnes malades ou en difficulté. Et il partageait avec son ami
Claude Monet (1840-1926), auquel il rendait souvent visite
à Giverny, la passion des jardins. Et, là encore c’est une
passion qu’il souhaitait faire partager aux Beaumontais, car il distribuait
graines et boutures, organisait des concours de maisons fleuries, généreusement
primés. Je me demande d’ailleurs si le corso fleuri auquel
je participais dans mon enfance…
.....
… n’était pas une survivance tardive des fêtes qu’Aston
Knight organisait pour la Saint Fiacre, patron des jardiniers. J’étais
très fière de mon authentique costume de Normande…
… et je peux affirmer que les fleurs décorant nos charrettes à
ânes étaient des roses véritables, car j’en eus un
avant-bras copieusement piqué par leurs épines !
Evidemment le peintre n’était pas célèbre qu’à
Beaumont ! Sa réputation était internationale et Warren
Harding (1865-1923), président des Etats-Unis, lui acheta une
toile (d’un crépuscule sur la Risle) en 1922, pour la Maison Blanche.
Et son successeur, Calvin Coolige (1872-1933) organisa, en
ce même lieu, une exposition qui lui fut entièrement consacrée.
Beaumont est donc présent aux Etats-Unis, et pas seulement à Washington,
mais aussi à New-York, car 3 fenestrages provenant de la partie méridionale
de l’église du Prieuré figurent au musée des cloîtres.
Quand et par qui furent-elles exportées là-bas ? Je ne peux supposer
que ce transfert (de poids !) ait été effectué par Aston
Knight, car il n’emporta même pas dans ses bagages de 1940, la centaine
de toiles qu’il avait peintes ou tenait de son père. Il s’agit
plus probablement de Georges Grey Barnard (1863-1938) sculpteur
américain et collectionneur passionné d’art médiéval
:
Cet artiste vécut à Paris de 1884 à 1896 (où il
suivit des cours à l’Ecole des Beaux-arts, dans l’atelier
de Pierre Jules Cavelier (1814-1894), exposant, comme Parissot,
au Salon des Artistes français, en 1894). Quant il n’était
pas occupé à ses œuvres, il sillonnait la France pour acheter
chez des antiquaires et des particuliers des sculptures médiévales
et des fragments de monastères vendus comme bien nationaux à la
Révolution et démantelés par leurs propriétaires.
Grâce à la générosité de John D. Rockefeller
(1839-1937) cette collection et les bâtiments qui la renfermaient furent
acquis en 1925 par un des plus célèbres musées de New-York,
qui ouvre le nouveau site au public en 1938. Et c’est encore à
un Américain, mon correspondant John Belmont (venu visiter
Beaumont avec moi en septembre 2012) que je dois de pouvoir insérer ici
les photos de nos trois fenestrages sauvés (auxquels furent rajoutés
des morceaux de vitraux qui ne sont pas d’origine) :
Aston Knight quitta donc Beaumont à regret, et peut-être précipitamment,
en ce terrible moment où la France commençait d’être
occupée. Il confia ses œuvres à un ami qu’il croyait
sûr, et qui ne le fut pas car il ne les rendit pas à son fils Ridgway
Brewter Knight quand il vint pour les reprendre. Nous ne pouvons donc
admirer, dans l’Eure, au musée d’Evreux, qu’une seule
œuvre, qui fut offerte par Aston Knight en 1935.
L’histoire de ce manoir et de son dernier propriétaire, si passionnément
liés, finit mal. Car Aston, fuyant les Allemands, rentré à
New-York, n’imaginait sans doute pas que son domaine serait bombardé
par des Américains. C’est en effet l’offensive de George
Smith Patton (1885-1945)…
… désireux de détruire les ponts pour couper toute retraite
à l’ennemi après le débarquement, qui fut fatale
aux ponts de Beaumont (comme à ceux de Beaumontel, La Ferrière
et sans doute d’autres villages traversés par des rivières).
Le manoir…
… le pavillon de la source…
… qui ouvrait sur le jardin…
… le « cottage de Diane », puzzle si patiemment construit
à partir des bois récupérés sur trois bâtiments
en perdition…
… et dont il avait fait une sorte de musée de la vie rurale…
…commentant (pour le professeur d’horticulture Albert Maumené
(1874-1936) venu faire un long reportage dont sont extraites ces photos) :
la chaumière, couverte de roses, entourée d’eau sur ses
quatre côtés, me plaît à peindre, et plaît à
ceux qui voient mes tableaux. Je continue à la peindre et repeindre,
non par habitude, ou à cause de son succès, mais parce que je
suis persuadé que, jusqu’à présent, je n’ai
pas réussi à en rendre le grand charme et la beauté. C’est
donc un effort constant, plutôt qu’une répétition.
Cette chaumière, qui longtemps après sa destruction inspirait
encore, d’une mémoire aussi nostalgique qu’approximative,
quelque « peintre du dimanche » habitant Beaumont :
Bref : ce merveilleux domaine qu’Aston tenait pour le
plus bel endroit du monde fut donc sérieusement endommagé,
puis pillé. Et il y avait de quoi piller, comme on pourra en juger par
ces photos de quelques pièces du manoir :
......
.....
Mais la suite est pire, nous raconte Bertrand Kempf, quand l’exilé
de New York apprit le bombardement ayant saccagé son domaine :
Très affecté, Aston Knight – qui
a 72 ans – renonce à revenir à Beaumont. Il fait don à
la municipalité de la propriété de Chantereine et de trois
autres maisons et jardins en ville, se contentant de recevoir de modestes dommages
de guerre, et seulement pour le manoir. Que se passe-t-il alors ? Chantereine,
loin d’être remise en état et en valeur, est rasée,
bâtiments et jardins. Pourquoi ? Geste de colère après ce
bombardement peu sélectif ? Vindicte à l’encontre de l’Américain
généreux mais peut-être un peu paternaliste ? En apprenant
cette destruction, Aston Knight a une attaque, ne peint presque plus, usant
anormalement de la couleur bleu, et meurt trois ans plus tard.
Le château, propriétaire nobiliaire, à quelques centaines
de mètres, subit le même sort, et une avenue est tracée,
comme un coup de couteau tranchant la mémoire des lieux.
Mais, tout de même, la guerre avait pris fin. Les aviateurs alliés
tués le 17 avril 1942 dormaient pour l’Eternité au cimetière
du Bourg-dessus :
Ce cimetière avait remplacé, après 1810, celui attenant
à l’église. Et pour ce nouveau cimetière (situé
en haut de la côte qui prit alors le surnom de « Monte-à-regret
»), Parissot (mais oui : encore lui !) offrit ultérieurement la
construction d’une maison de gardien, jugée nécessaire car
les vols d’ornements funéraires sur les tombes étaient fréquents.
J’ignore si les habitants actuels de cette maison tiennent encore cet
office. En ce lieu (qui subit un effondrement inattendu, suivi d’une fermeture
temporaire, dans les années 50, car il surmontait la caverne d’une
champignonnière) les aviateurs anglais voisinent avec les « morts
pour la France » de la guerre précédente. Ils me semblent
mériter, ces jeunes héros de 1942 (dont le plus jeune avait 18
ans et l’aîné 26 quand ils ont été abattus),
que leurs noms soient connus au-delà du mur de ce cimetière, ce
pourquoi je les rapporte ici :
J.H. Hackett
G.W.J. Hadgraft
B.D. Moses
H.A.P. Peall
A.E. Ross
R.R. Sandford
B.G. Seagof
R.L. Trustram
P.J. Venter
R.E. Wing
A.J. Harrisson
L.Law
A.Gerrie
J.F. Beckett
>
Ils voisinent également avec Jules Prior (1821-1903)…
…illustre Beaumontais que rien ne semblait devoir prédisposer à
la littérature : né dans une famille pauvre, il fréquenta
l’école fort tard et assez peu. Mais ayant finalement appris à
lire, à écrire, ayant fait des rencontres heureuses, il prit goût
à l’exercice littéraire, tout en exerçant son métier
de tonnelier.
Il participa également à la défense de Beaumont, attaqué
par les Prussiens en décembre 1870. Fait prisonnier, relâché,
il gagna ensuite Paris pour y participer à l’extinction des incendies
allumés par les Communards. Entre 1872 et 1896, il publia « Un
Prisonnier de Metz » (drame en 3 actes) « Les Veilles d’un
artisan. Une nuit au milieu des ruines » (qui fut réédité
en 2011 aux Etats-Unis !), « Les Nouvelles poésies d’un artisan
» et quelques autres opuscules. Sa tombe porte un de ses poèmes
:
Quand
je reposerai dans le champ des tombeaux
Qu’on plante sur ma sépulture
Un genièvre où l’hiver tous les petits oiseaux
Trouvent asile et nourriture
Et qu’à chaque printemps vers le trône éternel
Leur voix montant suave et pure
Devienne pour mon âme une prière au ciel
En 1945, les Français prisonniers en Allemagne…
… étaient rentrés, bien après que ce jeune soldat
allemand ait dit adieu aux enfants beaumontais.
Un sobre monument avait été dressé devant l’un des
abris où la population s’était si souvent réfugiée
quand les sirènes d’alerte prévenaient de bombardements
imminents :
Il s’agissait de grottes (naturelles ou creusées, je l’ignore)
sous le prieuré, ces ruines si emblématiques …
… près desquelles le petit lavoir sur la Risle existe encore :
Le pont de l’étang, immortalisé par une aquarelle de J.
Mely ...
… fut reconstruit à l’identique…
La vie économique du village redevint plus florissante, à l’usine
de dentelles…
… comme aux tanneries, aux moulins, et dans les commerces. Les enfants
retournèrent à l’école, dans leurs classes reconstruites
(filles séparées des garçons comme c’était
encore l’usage) :
Les champs de ruines, devenus des terrains vagues (propices aux jeux des enfants
!) disparurent. On construisit de nouvelles maisons, et pas seulement à
l’emplacement des anciennes. Dans le quartier de Saint Laurent, là
où une maladrerie avait accueilli, du XI° siècle au XVI°
siècle, les lépreux de Beaumont et Beaumontel, on construisit
aussi, mettant à jour quelques squelettes du cimetière, dont on
négligea les ossements car l’heure n’était pas encore
à l’archéologie de sauvetage. Ainsi disparurent également
les derniers pans de murs de la chapelle Sainte Marguerite, desservant la léproserie
et toujours attestée au XV° siècle. Je n’ai guère,
pour imaginer ce lieu (alors à l’écart des villages, pour
éviter la contagion) que les ruines de la chapelle Saint Thomas
Becket (1117-1170), en forêt d’Aizier, où de récentes
fouilles archéologiques mirent à jour les fondations d’une
léproserie dont on ignorait l’existence (et qui aurait été
en usage de 1180 à 1550) :
On trouva également le cimetière des lépreux, prenant grand
soin de leurs ossements, si utiles à la compréhension de l’Histoire.
Ce lieu étrange (où les traces de fouilles ont à présent
disparu, laissant la nature reprendre ses droits), dont on avait oublié
l’origine, avait cependant imprégné les mémoires,
car une petite mare (assez infecte !) devait y guérir les maladies de
peau, exactement comme une source proche de la maladrerie de Saint Laurent.
Dans l’enthousiasme de la paix retrouvée et de Beaumont reconstruit,
on refit même une beauté à Régulus…
… jacquemart en bois de chêne et fer forgé, mesurant 2m14
et pesant 150 kg. construit par Charles Etienne Martin, horloger
installé à Beaumont en 1796. Logé dans une guérite
du clocher (XV° s.) en 1826, il frappait les quarts d’heures (avec
de petits marteaux tenus dans ses mains) sur deux clochettes, et les heures
(en hochant sa tête) sur la deuxième grosse cloche. Il faut savoir
qu’à l’origine les cloches de Beaumont furent au nombre de
7, dont la seule qui traversa les siècles et les guerres indemne avait
été nommée Lazare (ce qui était pour le moins prémonitoire,
eu égard à l’histoire de l’église si souvent
mutilée et toujours ressuscitée). Elle date de 1504 et ses deux
actuelles compagnes (dont j’ignore les noms !) de 1807, car ses 6 compagnes
d’origine avaient été descendues pour être fondues
à Bernay en 1794 (l’église ayant servi d’édifice
public – laïc donc – de 1791 à 1802). Du temps où,
au complet, nos sept cloches sonnaient joyeusement, le bon roi Henri
IV (1553-1610) vint entendre la messe. Sans doute avait-il l’oreille
musicale car il déclara au curé : J’aurais
moult joye à ouïr vos cloches chaque matin ; il me les faudra apporter
en Paris ma grand ville. Le curé – dont hélas
le nom n’est pas passé à la postérité –
eut la présence d’esprit de rétorquer : Mais,
Sire, il faudrait aussi vous apporter nos collines et nos échos, car
sans eux il n’y aurait point si belle sonnerie. Nos cloches
nous furent donc laissées. Quant à Etienne Martin, il ne devait
pas non plus manquer d’humour, car s’il nomma sa créature
Régulus, ce n’était pas en hommage au célèbre
consul romain (dont il lui fit cependant porter l’armure) mais parce qu’il
en était le … régulateur ! Toujours est-il que cet automate
fut - et demeure – très populaire à Beaumont. Il eut même
droit à une chanson (sur l’air du « Carillon de Dunkerque
»), qu’on peut également supposer de son créateur
:
Régulus
je me nomme
A chaque heure je sonne
Et du matin au soir
Je fais mon devoir.
La France est ma patrie
Mon nom est d’Italie
Mon salut est romain
Mon père s’appelle Martin
Il fut restauré une première fois en 1879, par l’horloger
Gourdin de Mayet, et, dans mon enfance, par la société
Bodet de Trémentines. C’est de cette deuxième
restauration que date la photo ci-dessus. Il fut alors promené dans le
village par l’audacieux Panapio, qui l’avait descendu
du clocher et orné de rubans (souvenirs qu’on pouvait obtenir,
en échange de pièces de monnaie). Je me souviens encore de son
passage dans la pâtisserie de mes parents car je fus sidérée
par sa taille (il semblait si petit en haut du clocher !), Panapio était
escorté d’enfants et ce fut un joli moment de bonheur à
travers les rues. Au moment où j’écris ces lignes, Régulus
est de nouveau entre les mains de restaurateurs.
Après guerre, l’indispensable retrouvé, on pensa au superflu,
allant au cinéma « chez Jules » (là
où s’est installé récemment le collectif d’artistes
La Fabrique de la Risle ), puis dans la nouvelle salle des
fêtes construite à l’emplacement du manoir de Chanteraine.
Inaugurée en 1957, elle est fort laide et porte le nom du maire ayant
achevé la destruction du dit manoir.
Mais on négligea le parc Parissot, et la mémoire du généreux
donateur.
Oui, oui : je reviens là où j’ai commencé. J’ai
abandonné le personnage en 1895 devant les niches vides du Louvre, glissant
à celles du Prieuré.
En 1896 il proteste contre l’impôt progressif sur le revenu global,
qui, selon lui, risque d’avoir un effet pervers :
(…) Puisque les idées simples sont en
faveur aujourd’hui, je vous demande d’en émettre une très
simple parce qu’elle est la constatation d’un fait impossible à
nier, c’est qu’il y aura toujours dans la société
des individus mieux partagés les uns que les autres et c’est la
nature qui est coupable en donnant à tous des aptitudes très différentes.
Faites table rase de toutes les situations acquises, au bout de très
peu de temps l’inégalité reparaîtra et tout sera à
recommencer. La seule vérité est celle-ci : les faibles ont besoin
des forts ; laissez donc les forts debout !
La classe des malheureux, la classe des souffrants trouve encore un apaisement
et un appui assurés de ceux qui ne souffrent pas ou qui souffrent moins.
Il faut donc se garder de frapper les heureux parce qu’ils sont utiles
à ceux qui ne le sont pas. Craignez que l’impôt qui espère
atteindre dans des proportions inusitées jusqu’à ce jour
ce qu’on appelle les grandes fortunes n’ait, contre votre attente,
un contrecoup funeste immédiat sur les petites gens qu’on veut
épargner (…)
Une commission, présidée par le maire, est nommée dans
chaque commune pour connaître la fortune de chacun. La dissimulation sera
punie des peines rigoureuses selon la loi (…) Malgré ces peines
sévères, soyez assurés que les contribuables feront tous
leurs efforts pour éviter l’impôt. Les valeurs mobilières,
les valeurs au porteur pourront avec une facilité relative échapper,
au moins en partie, aux lourdes charges annoncées. Mais il est une propriété
qui ne peut se dissimuler : c’est la terre ! Celle-là sera toujours
frappée et c’est encore à elle qu’on finira par demander
davantage. Il est à prévoir que les capitaux effrayés se
retireront de la terre ; par suite sa valeur diminuera dans des proportions
énormes peut-être ! Je ne pense pas qu’un pareil avenir soit
bien fait pour relever l’agriculture et rassurer les agriculteurs.
Il avait donc été élu sénateur en 1895. Il fut réélu
en 1903, et seule la mort mit fin à sa carrière. Le journal de
Beaumont publia, dès le 1er février 1911, un communiqué
inquiétant :
M. Albert Parissot, notre sympathique sénateur
et conseiller général, a été bien gravement malade
d’une congestion pulmonaire. Aujourd’hui nous pouvons annoncer avec
plaisir, que le danger est passé, mais la convalescence sera un peu longue
et forcera M. Parissot à se tenir pendant quelque temps en dehors de
la politique et à ne pas répondre pendant quelques semaines encore
aux lettres qui lui seront adressées. Il nous prie de l’excuser
auprès de ses correspondants.
Hélas, le danger n’était pas vraiment écarté
puisque Parissot mourut le 6 juillet de la même année à
son domicile parisien de la rue de Messine, d’où partit, le 10
juillet, le convoi funéraire, vers l’église Saint Philippe
du Roule puis le cimetière du Père Lachaise. Le journal de Beaumont,
qui avait annoncé la convalescence et la mort du sénateur, rapporta
également tous les détails des funérailles :
Les obsèques de M. Albert Parissot, sénateur
de l’Eure, ont eu lieu lundi matin à Paris, au milieu d’une
affluence considérable. On y remarquait, avec la délégation
règlementaire du Sénat ayant à sa tête M. Antonin
Dubost, de nombreux représentants du département de l’Eure
(…) Les honneurs militaires ont été rendus par des troupes
d’infanterie, au domicile mortuaire, 29 rue de Messine. Au cimetière
du Père Lachaise, où le corps a été conduit, un
discours a été prononcé par M. Louis Passy
; en qualité de président du Conseil général de
l’Eure il a adressé au défunt un adieu plein d’émotion(…)
M. le sénateur Milliard a parlé ensuite (…)
L’ouverture des testaments (il y en avait 3, en dates du 15 décembre
1900, du 9 janvier 1910 et du 15 juin 1910), déposés chez maître
Vingtain, notaire à Paris, eut lieu. Parissot y désignait
ses cousins Georges Raimbert et son épouse Jeanne
(née Bataille) pour légataires universels. Il léguait
10000 fr. à chaque commune du canton, exceptions faites de Thibouville,
qui en reçut 30000, et Beaumont et Bernay chacune 60000. Tous ces legs
(qui seront réalisés par la vente de mes meubles, immeubles, valeurs
mobilières et dépôts divers précisait-il) devant
être attribués (précisait-il encore) à des œuvres
de bienfaisance. Quant à Beaumontel, elle héritait aussi du parc
(à condition de l’ouvrir au public) avec la maison du gardien,
ainsi que 50000 fr. pour subvenir à l’entretien du parc et les
frais de gardiennage. Bref : Parissot mort continuait à être aussi
généreux que Parissot vivant, qui avant tant dépensé
pour des constructions ou réfections d’écoles, des casernes
de gendarmerie ou de pompiers, des logements de travailleurs ou d’indigents,
de lavoirs municipaux, et … j’en oublie sûrement.
Maître Vingtain écrivit ensuite au maire de Beaumont :
M. Raimbert, légataire universel de M. Parissot
propose de faire la cession de tous les terrains du quartier de Vieilles servant
à l’emplacement des rues axées avec le square se trouvant
devant la gare, les lampadaires, bornes et autres accessoires existant sur ces
terrains et square. Cette cession aurait lieu moyennant 1 franc et la charge
par la ville de Beaumont de supporter tous les frais d’entretien et d’éclairage
des rues et d’établissement du square à perpétuelle
demeure. L’entretien des rues est assuré pour dix ans, dans une
convention arrêtée entre Monsieur Parissot et Monsieur
Alix, horticulteur, dont je vous remettrai une copie.
Ainsi donc, ce quartier de la gare, où des Prussiens avaient été
transformés en torches pendant la guerre de 1870, devait avoir, vitam
aeternam, une destination plus paisible, où on promènerait des
enfants et des chiens, irait s’attabler à la terrasse de l’hôtel
de la gare, prendrait des trains pour des destinations connues ou inconnues
:
On y installa le buste de Parissot. Il voisinait avec une villa ayant probablement
appartenu à un partisan de l’empire, car, sur la porte d’entrée,
un cartouche indiquait (indique toujours même si ce n’est pas visible
sur la photo ) : Villa Eugénie
Sous l’obélisque du parc de Beaumontel, le cœur du sénateur
demeurait tourné vers la Risle, qu’il avait aimée à
l’égal d’Aston Knight.
Les arbres poussèrent, le théâtre de verdure et le kiosque
se dégradèrent, le premier connut une reconversion morbide (qui,
tout éphémère qu’elle ait été marqua
tant les mémoires qu’elle effaça, dans les mêmes mémoires,
l’usage d’origine).
Pour tout dire : on commença d’oublier Parissot, et de négliger
son parc.
Une première infidélité eut lieu à Beaumont quand
on débaptisa une rue portant son nom pour la rebaptiser de celui de Jean-Charles
Guillaume Leprévost de Beaumont. Certes ce personnage méritait
d’être honoré (en ce moment opportun de commémoration
du bicentenaire de la Révolution !) : né à Beaumont en
1726, il fit ses études de droit à Paris, où il se fixa
comme secrétaire et avocat du clergé de France. En 1768, il découvrit
des documents attestant l’existence d’un « pacte de famine
» consistant à acheter à bas prix le blé durant les
années de bonnes récoltes, pour le stocker puis le revendre plus
cher les années de disette. Il dénonça la juteuse affaire
au parlement de Rouen, accusant le contrôleur général des
finances d’en être l’organisateur. C’était s’attaquer
à des gens plus puissants que lui, et il paya son audace de… 21
ans d’emprisonnement…
…de la Bastille au donjon de Vincennes, à Charenton, Bicêtre
et Bercy, d’où il entendit qu’on prenait la Bastille. Il
fut libéré le 5 septembre 1789. Il termina sa vie à Bernay,
en 1823, ayant heureusement eut le souci d’écrire son histoire.
Donc en 1989, les élèves du collège de Beaumont ayant planché
sur ce personnage, on défila dans Beaumont, au son des « Echos
de la Risle » toujours vaillants, s’en allant planter un arbre de
la liberté (en l’occurrence un tilleul de … Hollande), orné
d’une plaque commémorative.
Après ma rencontre fortuite avec Otto Happel et Claude Masson, je décidais,
en 1990, de consacrer un court-métrage au Parc Parissot, comme j’ai
indiqué plus haut. Pourquoi le cinéma plutôt que l’écriture,
où j’avais déjà fait mes preuves avec plusieurs romans
publiés ? Parce que le premier de mes romans venait d’être
porté à l’écran, et que ma notoriété
du moment (toute relative !) pouvait peut-être m’être utile
pour monter ce projet. J’allais consulter des archives à la bibliothèque
de Bernay, je fis passer des demandes de renseignements concernant Albert Parissot
dans la presse, ce qui me permit d’établir un réseau de
correspondants divers. Mais l’enthousiasme des gens sollicités
pour nous apporter l’indispensable aide financière ne fut pas au
rendez-vous et mon scénario rejoignit quelques autres manuscrits inédits.
Ayant cependant beaucoup évoqué ce projet autour de moi, je suscitais
l’attention d’un universitaire, Yannick Marec (mon
voisin d’autocar, alors que je participais à un voyage organisé
par l’Association des Amis de … Flaubert et Maupassant, le 15 mai
1993 !) qui suggéra à l’une de ses étudiantes, Marie-Christine
Neuville, de rédiger un mémoire sur Albert Parissot.
Elle commença un patient travail de recherche dans des bibliothèques,
des archives, des mairies, en 1996. Mais, abandonnant ses études, elle
ne rédigea jamais ce mémoire, ayant cependant l’extrême
amabilité de me remettre son lourd dossier quand elle renonça
à poursuivre.
Les bâtiments du parc Parissot continuaient à se dégrader.
Un trou apparut dans la toiture du kiosque. J’écrivis une lettre
de protestation à la mairie de Beaumontel, rappelant leur engagement
ancien auprès de Parissot. Cette lettre demeura sans écho, mais
le trou fut bouché.
En 2001 la ville de Beaumont ferma un autre orifice – ou, plus exactement
– renforça la fermeture d’un orifice qui n’était
obturé que d’une grille facilement franchissable. Elle mura cet
orifice, qui était, derrière l’ancienne mairie, à
l’angle que cette mairie formait avec un commerce…
… l’entrée d’une de ces grottes où s’était
réfugiée la population pendant les bombardements. Trois adolescents
qui avaient coutume de descendre, par jeu, dans ce dédale obscur, s’y
perdirent. La mère de l’un des imprudents prévint la gendarmerie
à 21h. Branle-bas immédiat des gendarmes, des pompiers, renfort
de spéléologues : la nuit passa sans que nos explorateurs cavernicoles
soient retrouvés. Au matin un journaliste photographie la place où
étaient stationnés tous les véhicules de secours…
… et put enfin titrer son article Les Miraculés
de la grotte quand ils furent enfin retrouvés, 24 heures
après leur disparition. Cette aventure n’était plus qu’un
fait divers s’étant heureusement conclu. Mais il me parut, quand
je l’appris, qu’il était aussi un symbole, comme un chapitre
apocryphe d’un village chargé d’histoire, dont la dernière
guerre connue était terminée depuis 56 ans…
En 2004, alors que je m’étais enfin familiarisée avec Internet,
je découvris un site consacré à Beaumontel, qui comportait
une photo ancienne du centaure, sans précision particulière sur
l’origine du parc Parissot. Je contactais l’auteur de ce site, Daniel
Hervé. Je le rencontrais, chez lui, à plusieurs reprises
(dont l’une en compagnie d’Emmanuel Huille), car nous avions décidé
de créer un site consacré à la fois au personnage et au
lieu. Ce fut une belle aventure, et probablement un site nécessaire car
d’autres lui ont emprunté. Et le 16 mai 2005, nous eûmes
une jolie surprise, sous la forme d’un courriel de Jean-Marc Coubé,
qui nous était inconnu :
Madame, Monsieur,
Paysage-conseil au Conseil général de l’Eure, je réalise
depuis un an et pour le compte de la communauté de communes de Beaumont-le-Roger,
une étude d’aménagement paysager du parc Parissot.
Dans ce cadre et à l’occasion de la Semaine de l’Environnement,
la Communauté de communes m’a demandé de présenter,
lors d’une conférence publique, le parc, ses vestiges et les pistes
de réaménagement possibles.
Lors de cette intervention, je souhaiterais présenter, si vous m’y
autorisez, certaines illustrations issues de votre site. En cas d’accord,
il est entendu que l’origine et la nature de chaque illustration seront
rappelées au moment de leur projection.
Je me permets de préciser que je ne suis pas historien et que mes interventions
pour la Communauté de communes sont gratuites (ma mission est financée
par le Conseil général) et ne donnent lieu à aucun acte
commercial dont je puisse tirer profit : mon travail s’attache à
faire prendre conscience de l’intérêt collectif à
conserver et à valoriser le patrimoine architectural et paysager local.
Je regrette beaucoup de ne pas avoir eu plus tôt connaissance de votre
site qui, à ce jour, m’apporte la somme la plus importante et la
plus complète de renseignements de nature historique. Les informations
que j’y ai puisées me permettent de reconsidérer certaines
de mes propositions d’aménagement et de les faire évoluer
vers une meilleure prise en compte de l’état originel du Parc.
Ainsi, quelque soit votre réponse, j’aurais plaisir à vous
rencontrer et je me permets de vous inviter à cette conférence
qui se tiendra le jeudi 26 mai 2005 à 18h, salle Robert Fort à
Beaumont-le-Roger.
Vous remerciant par avance de votre réponse, je vous prie de vous recevoir,
Madame, Monsieur, l’expression de ma considération.
Bien sûr nous nous rendîmes à cette invitation, découvrant
le projet de réhabilitation du kiosque, de l’obélisque,
et du théâtre de verdure (qu’on persistait à nommer
« l’ancien cimetière allemand » à notre grand
regret !), par Jean-Marc Coubé, qui prévoyait une restitution
« à l’identique ». Un autre intervenant, Alain
Le Belleguy, de l’Office national des Forêts, révéla
toute la diversité du parc, si riche d’espèces végétales
feuillues et résineuses, que les promeneurs pourraient reconnaître
grâce à des bornes d’identification, sur un sentier pédagogique,
et un grand panneau thématique. Tous ces beaux projets avaient un coût,
et seraient donc effectués par étapes, la première (prévue
l’année en cours : 2005) consistant en un parking à l’entrée
du parc ainsi que le fléchage des lieux et arbres. La deuxième
tranche concernerait l’aménagement paysager et la réfection
du kiosque (2006), la troisième (non datée) s’intéresserait
au « cimetière allemand » et à l’obélisque.
Une brochure concernant le parc était également prévue,
ainsi que des animations ponctuelles au sein même du parc, en direction
du public scolaire et du grand public.
L’office de tourisme de Beaumont m’invita ensuite à quelques
réunions, me demanda la permission d’emprunter la photo du cimetière
allemand de notre site et me proposa de rédiger quelques textes concernant
Parissot et son Parc. Je fis tout ce qu’on voulait, sans résultats
vraiment probants, car le fléchage prévu du théâtre
de verdure signala seulement qu’il s’agissait de l’ancien
cimetière des valeureux aviateurs allemands et,
pour l’obélisque, que cette stèle renfermerait
le cœur et une main de Parissot. J’ignore qui a malencontreusement
« complété » les informations que j’avais données,
tout comme j’ignore quelle main a ensuite raturé au feutre noir
valeureux ainsi que et une main mais je ne saurais désapprouver car si
la main relève d’une erreur, le valeureux appliqué aux troupes
d’occupation me paraît signer une nostalgie pour le moins ambigüe.
Encore une fois je le redis : il n’y a plus aucune trace de ce cimetière,
et les pans de murs qui achèvent de s’écrouler sont une
construction due à Parissot.
Le kiosque eut finalement une nouvelle toiture (en 2009 et non pas 2006)…
.....
… que nous signala (sur notre livre d’or) Maxime Depierre,
qui nous avait déjà précédemment félicités
pour notre site.
Nous eûmes aussi un très intéressant échange de courriels
avec Pavie Martelière, descendante d’ Elisabeth
Parissot (sœur du fondateur de la belle Jardinière) et
Tina Couybes, toutes deux évoquant la branche Parissot
enterrée au Pecq. Nous fûmes même invités…
… ne pouvant hélas nous rendre à cette invitation. Et pour
clore cette année 2009, j’eus également un courriel de Patrick
Douais : (…) il m’a été
donné de voir et photographier une pierre blanche d’environ un
mètre de long et trente centimètres de large. Cette pierre est
gravée d’un texte en latin sur quatre lignes et en partie effacé,
tiré des Odes d’Horace :
Quo
pinus ingens albaque populus
Umbram hospitalem consociare amant
Ramis. Quid obliquo laborat
Lympa fugax trepidare riuo
La raison de ce message à votre attention réside
dans le lieu de sa découverte, qui est à proximité du parc
Chantereine de Beaumont-le-Roger. Cette zone ayant semble-t-il été
utilisée après la guerre comme aire de dépôts de
démolition après les bombardements. L’idée saugrenue
qui m’a traversé l’esprit est que cette pierre aurait pu
orner un mur du parc Chantereine. Puisque dans vos souvenirs d’enfance
vous dites avoir parcouru ce parc en ruine et abandonné, vous pourriez
avoir le souvenir de cet ornement. J’ai déjà eu l’occasion
de contacter m. Patrick R. Knight sur ce sujet mais il n’en a malheureusement
pas le souvenir (…)
Il joignait évidemment la photo de la pierre :
Je ne sus hélas le renseigner. Mais il eut ensuite la gentillesse de
m’envoyer un exemplaire du n° 135 de la revue « Monuments et
Sites de l’Eure », où il publia un article sur sa découverte.
Pour les curieux, je rappelle qu’Horace, de son vrai
nom Quintus Horatius Flaccus (- 65 av. J.C. – 8 av. J.C.), ami de
Virgile et de Mécène, est l’auteur
du fameux conseil Carpe diem (cueille
le jour présent), qui est en quelque sorte le thème de son ode
à Q. Dellius, dont sont tirées ces lignes gravées
dans la pierre. Les traductions qui en ont été proposées
au fil des siècles sont multiples. En voici une, qui n’est peut-être
pas la meilleure, mais celle qui me satisfait le mieux : En
ce lieu où un grand pin et un peuplier blanc aiment à mêler
l’ombre hospitalière de leurs ramures, là où une
onde pressée de bondir contre les détours de sa rive.
Ces lignes semblaient en effet s’appliquer au jardin d’Aston Knight,
mais pouvaient aussi concerner le jardin originel du manoir et tous les heureux
ayant possédé ce domaine, depuis Raoul et Avicie (probablement
familiers du latin d’Horace) car l’ode se terminait par : il
te faudra quitter ces beaux parcs, ce palais et cette villa que baigne l’or
du Tibre
Je devais encore une fois être contactée au sujet du domaine d’Aston
Knight, par m. et mme Patrick Bourgeois , supposant également
que j’en savais plus qu’eux sur ce peintre (qui suscita un regain
d’intérêt en 2013, pendant la manifestation nationale Normandie
Impressionniste, grâce à l’artiste contemporain Alain
Fleischer). Comme j’avais connu ce couple du temps où
mes parents et moi vivions à Beaumont, je me déplaçais
pour les revoir. Nous avons passé un très agréable moment
dans leur maison de Beaumontel. Mais ce sont eux qui me fournirent une photocopie
de l’article d’Albert Maumené
Il ressort de tous ces courriers, conversations téléphoniques,
rencontres, une volonté de mémoire de ce qu’il faut bien
appeler la grandeur de Beaumont. Puisse ce site en être fédérateur.
Puisse le Parc Parissot retrouver quelque splendeur. Puissent les ruines du
Prieuré ne pas achever de mourir derrière leurs grilles sécuritaires,
qui protègent les visiteurs des chutes de pierres, mais rendent dorénavant
tous travaux impossibles, pas même le simple arrachage de la végétation,
cet ennemi sournois des architectures. Pourquoi donc la société
« Opération S.O.S Abbaye », créée en 1971 afin
de sauver ces ruines, et qui a œuvré en 1972 et 1973…
.....
… sous la conduite de Gabriel Gendreau, ne renaîtrait-elle pas de
ses cendres ? D’autant qu’il fut encore, au début de l’année
1982, question de sauvetage, la presse régionale titrant impérativement
ce long article :
Il faut sauver les restes de l’église
du prieuré de Beaumont-le-Roger
Les visites d’experts et les vérifications continuèrent
à être suivies de près :
.....
Je condense ces divers articles :
Sous l’effet du dégel, les murs de
l’église de l’ancien prieuré de Beaumont-le-Roger
se sont dangereusement fissurés. Ainsi se poursuit la dégradation
lente d’un site magnifique, qui relevait de l’abbaye du Bec-Hellouin.
Vers 1848, ainsi que le montrent les dessins des frères Laumônier,
faisant partie de la collection de Raymond Bordeaux, retrouvée par
p m.. Jardilier, président de la société libre de l’Eure
à la Bibliothèque nationale, c’était encore une
église qui méritait amplement d’être sauvée.
Mais la municipalité de Beaumont en refusa toujours l’acquisition.
Ces ruines imposantes, avec des murs de quinze mètres de haut sont
classées monument historique. Elles appartiennent à l’Etat
qui se doit d’en assurer la conservation, d’autant plus qu’elles
constituent un des plus jolis sites de la vallée de la Risle (…)
*
Nouvelles visites, cette semaine, d’experts venus constater les dégâts
causés par le gel et le dégel à ces vieilles pierres
âgées de neuf siècles. Un éminent spécialiste,
m. Nicot, architecte en chef des monuments historiques, accompagné
de m. Gendreau, architecte départemental des Bâtiments de France
et m. Coudrette, directeur de l’entreprise Lanctuit, après concertation
avec le maire, ont mis au point un plan pour consolider ces ruines, joyau
culturel de la ville ; Dans un premier temps, des témoins ont été
mis en place ; ils sont intacts. S’ils ne bougent pas, dans quelques
jours des travaux de terrassement seront entrepris (…)
*
(…) Une forte poussée était
constatée depuis la terrasse vers la ville, mais le couloir monumental
qui mène à la terrasse a également souffert. Des pierres
se sont détachées, des fissures importantes se sont formées.
L’imposant mur de contrefort qui domine la rue de l’abbaye s’est
déplacé de 2 à 5 cm. par endroits. Des témoins
ont été mis en place. Le lendemain ils étaient rompus
(…)
La circulation fut un moment détournée, le site fermé
au public. On consolida ce qui devait l’être, et pour diminuer
la poussée de la terrasse contre les murs, on ôta de la terre,
à l’angle de cette terrasse. Dans ce trou de 4 m. la végétation
a allègrement poussé depuis, au point qu’il n’était
plus visible et donc d’autant plus dangereux. D’où ces
grilles posées partout, pour la sécurité des visiteurs.
Mais je m’étonne que les services des espaces verts de la ville,
si attentifs au Parc Chanteraine n’aient jamais reçu l’ordre
– pendant qu’il était encore temps – d’arracher
cette végétation intempestive. Et si la sécurité
des visiteurs cachait une autre raison, inavouable : vouer ces ruines à
une mort certaine ?
L’humanité têtue de Beaumont est pourtant présente
en ce lieu de très longue date puisqu’on retrouva, dans sa forêt
(dont le nom d’origine était Utica ou Occa, qui devint Ouche,
désignant toute une région encore nommée ainsi), des
vestiges d’époque gallo-romaine : camps romains, dont l’un
à Grosley, qui possède une charmante église en pierres
et silex…
… construction si caractéristique de cette partie de la Normandie,
qu’elle était également celle du rez-de-chaussée
de ma maison natale …
… laquelle fut épargnée des graffiti visibles sur les
murs extérieurs de l’église de Grosley…
… où se mêlent si joyeusement les époques puisqu’elle
possède un autel baroque :
En 1830, on trouva, toujours en forêt, un trésor de 400 médailles
(ou monnaies ?) du 3° siècle (qu’on peut admirer au musée
d’Evreux, dans la salle en sous-sol, superbement appuyée sur
le rempart gallo-romaine).
En 1991, un passionné d’archéologie fouillant son terrain
du Bourg-Dessus, y découvrit des poteries médiévales,
près de l’emplacement où avait été édifiée
l’Eglise Saint-Léonard. Il eut lui aussi les honneurs de la presse
:
Parfois, là où il n’y a plus de vestiges, la toponymie
parle encore des temps anciens, car une rue du Bourg-dessus, qui longeait
une ancienne maladrerie médiévale est restée nommée
« rue de l’hôpital », et le Val Gallerand , qui ne
présente plus aujourd’hui pour curiosité touristique qu’un
bâtiment édifié par m. Thomerret dans
les années 30, à partir de matériaux provenant de la
démolition du Moulin-Chapelle et autres manoirs (ou, prétend
une autre version : de l’ancienne gare de Deauville)…
.....
… garde la mémoire de son très ancien propriétaire
: Galeran IV, comte de Meulan et de Worcester, petit-fils
de Roger de Beaumont.
Mémoire, tout est là…
La mienne se voudrait fédératrice de bonnes volontés,
au service de Beaumont.
On peut me joindre par courriel : simarese@wanadoo.fr
ou par téléphone : 02 35 75 35 76
Je ne terminerai pas sans remercier toux ceux grâce auxquels j’ai
pu rédiger ce long récit, qu’il s’agisse des personnes
rencontrées, m’ayant accueillie, m’ayant fourni des renseignements
oraux, des documents, des photos. Leurs noms figurent dans ce récit
(tout comme ceux de mes 2 web-master successifs), je ne les répèterai
donc pas ici. Mais je dois remercier également ceux qui, ajoutant leurs
photos aux miennes, ont complété l’iconographie de ce
récit : Daniel Hervé, Michel Margas, Michel Vandichèle.
Je signale mes trois autres sites (créés en 2007, 2008, 2009)
:
Ecrire c’est vivre multiple (simarese.pagesperso-orange.fr)
qui propose, en différentes rubriques, la totalité de mes textes
courts (environ 200), publiés ou inédits, ainsi qu’une
actualité culturelle régulièrement mise à jour.
Passage du temps (passagedutemps.fr
), sorte de biographie familiale composée à partir de photos.
Un écrivain face à la critique (simone.arese.free.fr),
somme de toutes les critiques concernant mon œuvre littéraire.
Je signale également le site de Daniel Hervé consacré
à Beaumontel : beaumontel.free.fr
Et enfin celui, scientifique et artistique de Michel Hubin
(qui gère, en plus des miens, une dizaine d’autres sites !) :
Electron mon amour (http://electronmonamour.free.fr/)